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HISTOIRE DE FRANCE

a droit à recevoir son Dieu... Qui était-elle après tout, pour contredire ces prélats, ces docteurs ? Comment osait-elle parler devant tant de gens habiles qui avaient étudié ? Dans la résistance d’une ignorante aux doctes, d’une simple fille aux personnes élevées en autorité, n’y avait-il pas outrecuidance et damnable orgueil ?... Ces craintes lui vinrent certainement.

D’autre part, cette résistance n’est pas celle de Jeanne, mais bien des saintes et des anges qui lui ont dicté ses réponses et l’ont soutenue jusqu’ici... Pourquoi, hélas ! viennent-ils donc plus rarement dans un si grand besoin ? Pourquoi ces consolants visages des saintes n’apparaissent-ils plus que dans une douteuse lumière et chaque jour pâlissants ?... Cette délivrance tant promise, comment n’arrive-t-elle pas ?... Nul doute que la prisonnière ne se soit fait bien souvent ces questions, qu’elle n’ait tout bas, bien doucement, querellé les saintes et les anges. Mais des anges qui ne tiennent point leur parole, sont-ce bien des anges de lumière ?... Espérons que cette horrible pensée ne lui traversa point l’esprit.

Elle avait un moyen d’échapper. C’était, sans désavouer expressément, de ne plus affirmer, de dire : « Il me semble. » Les gens de loi trouvaient tout simple qu’elle dit ce petit mot[1]. Mais pour elle, dire une telle parole de doute, c’était au fond renier, c’était abjurer le beau rêve des amitiés célestes, trahir les douces sœurs d’en haut[2]... Mieux valait mourir...

  1. « C’était l’avis de Lohier. (Notices des mss.)
  2. « Sui fratres de Paradiso. » (Déposition de Jean de Metz.)