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HISTOIRE DE FRANCE

tirent de bonne heure que, pour diriger l’âme dans une voie de perfectionnement réel, solide et sans rechute, il fallait proportionner la nourriture spirituelle aux forces du disciple, donner le lait aux faibles, le pain aux forts. De là les trois degrés (connus, il est vrai, de l’antiquité) qui ont formé la division naturelle du livre de l’Imitation : vie purgative, illuminative, unitive.

À ces trois degrés semblent répondre les titres divers que ce livre porte encore dans les manuscrits. Les uns, frappés du secours qu’il donne pour détruire en nous le vieil homme, l’intitulent : Reformatio hominis. Les autres y sentent déjà la douceur intime de la grâce, et l’appellent : Consolatio. Enfin, l’homme relevé, rassuré, prend confiance dans ce Dieu si doux ; il ose le regarder, le prendre pour modèle, il s’avoue la grandeur de sa destination, il s’élève à cette pensée hardie : Imiter Dieu, et le livre prend ce titre : Imitatio Christi.

Le but fut ainsi marqué haut de bonne heure ; mais ce but fut manqué d’abord par l’élan même et l’excès du désir.

L’imitation, au treizième, au quatorzième siècle, fut ou trop matérielle ou trop mystique. Le plus ardent des saints, celui de tous peut-être qui fut le plus violemment frappé au cœur de l’amour de Dieu, saint François, en resta à l’imitation du Christ pauvre, du Christ sanglant, aux stigmates de la Passion. Le franciscain Ubertino de Casal, Ludolph, et même Tauler, nous proposent encore à imiter toutes les circonstances