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HISTOIRE DE FRANCE

Quelque soin qu’on ait pris d’obscurcir ces choses, de cacher ce côté humain dans une figure qu’on voulait toute divine, les variations sont visibles. C’est à tort qu’on a prétendu que les juges parvinrent à lui faire prendre le change sur ces questions. « Elle était bien subtile, dit avec raison un témoin, d’une subtilité de femme[1]. » J’attribuerais volontiers à ces combats intérieurs la maladie dont elle fut atteinte et qui la mit bien près de la mort. Son rétablissement n’eut lieu qu’à l’époque où ses apparitions changèrent, comme elle nous l’apprend elle-même, au moment où l’ange Michel, l’ange des batailles qui ne la soutenait plus, céda la place à Gabriel, l’ange de la grâce et de l’amour divin.

Elle tomba malade dans la semaine sainte. La tentation commença sans doute au dimanche des Rameaux[2]. Fille de la campagne, née sur la lisière des bois, elle qui toujours avait vécu sous le ciel, il lui fallut passer ce beau jour de Pâques fleuries au fond de la tour. Le grand secours qu’invoque l’Église[3] ne vint pas pour elle ; la porte ne s’ouvrit point.[4]

Elle s’ouvrit le mardi, mais ce fut pour mener

  1. Déposition de Jean Beaupère. (Notices des mss.)
  2. « Je ne sais pourquoi, dit un grand maître des choses spirituelles, Dieu choisit les jours des fêtes les plus solennelles pour éprouver davantage et purifier ceux qui sont à lui… Ce n’est que là-haut, dans la fête du ciel, que nous serons délivrés de toutes les peines. » (Saint-Cyran)
  3. Dimanche des Rameaux, à Prime : « Deus in adjutorium meum intende… »
  4. Tout le monde sait que l’office de cette fête est un de ceux qui ont conservé les formes dramatiques du moyen âge. La procession trouve la porte de l’église fermée, le célébrant frappe : « Attollite portas… » Et la porte s’ouvre au Seigneur.