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HISTOIRE DE FRANCE

l’Église triomphante, Dieu, les saints, les âmes sauvées, et l’Église militante, autrement dit, le pape, les cardinaux, le clergé, les bons chrétiens, laquelle Église « bien assemblée » ne peut errer et est gouvernée du Saint-Esprit. — « Ne voulez-vous donc pas vous soumettre à l’Église militante ? — Je suis venue au roi de France de par Dieu, de par la vierge Marie, les saints et l’Église victorieuse de là-haut ; à cette Église je me soumets, moi, mes œuvres, ce que j’ai fait ou à faire. — Et à l’Église militante ? — Je ne répondrai maintenant rien autre chose. »

Si l’on en croyait un des assesseurs, elle aurait dit qu’en certains points elle n’en croyait ni évêque, ni pape, ni personne ; que ce qu’elle avait, elle le tenait de Dieu[1].

La question du procès se trouva ainsi posée dans sa simplicité, dans sa grandeur, le vrai débat s’ouvrit : d’une part, l’Église visible et l’autorité, de l’autre l’inspiration attestant l’Église invisible… Invisible pour les yeux vulgaires ; mais la pieuse fille la voyait clairement, elle la contemplait sans cesse et l’entendait en elle-même, elle portait en son cœur ces saintes et ces anges… Là était l’Église pour elle, là Dieu rayonnait ; partout ailleurs combien il était obscur !…

Tel étant le débat, il n’y avait pas de remède ; l’accusée devait se perdre. Elle ne pouvait céder, elle ne pouvait sans mentir désavouer, nier ce qu’elle voyait et entendait si distinctement. D’autre part, l’autorité

  1. « Non crederet nec praelato suo, nec papae, nec cuicumque, quia hoc habebat a Deo. » (Notices des mss.)