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PROCÈS ET MORT DE LA PUCELLE

Livrée au duc de Bourgogne, elle fut menée à Arras, puis au donjon de Crotoy, qui depuis a disparu sous les sables. De là elle voyait la mer, et parfois distinguait les dunes anglaises, la terre ennemie, où elle avait espéré porter la guerre et délivrer le duc d’Orléans[1]. Chaque jour un prêtre prisonnier disait la messe dans la tour. Jeanne priait ardemment, elle demandait et elle obtenait. Pour être prisonnière, elle n’agissait pas moins ; tant qu’elle était vivante, sa prière perçait les murs et dissipait l’ennemi.

Au jour même qu’elle avait prédit d’après une révélation de l’archange, au 1er novembre, Compiègne fut délivrée. Le duc de Bourgogne s’était avancé jusqu’à Noyon, comme pour recevoir l’outrage de plus près et en personne. Il fut défait encore peu après à Germiny (20 novembre). À Péronne, Xaintrailles lui offrit la bataille, et il n’osa l’accepter.

Ces humiliations confirmèrent sans doute le duc dans l’alliance des Anglais et le décidèrent à leur livrer la Pucelle. Mais la seule menace d’interrompre le commerce y eût bien suffi. Le comte de Flandre, tout chevalier qu’il se croyait et restaurateur de la chevalerie, était au fond le serviteur des artisans et des marchands. Les villes qui fabriquaient le drap, les campagnes qui filaient le lin, n’auraient pas souffert longtemps l’interruption du commerce et le chômage ; une révolte eût éclaté.

Au moment où les Anglais eurent enfin la Pucelle et

  1. Interrogatoire du 12 mars 1431.