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HISTOIRE DE FRANCE

liaire, la pauvreté publique, qui ne voyait dans les dépenses d’art et de luxe qu’une coupable prodigalité.

À ces mécontentements, à ces malveillances, à ces haines publiques ou secrètes, il fallait un envieux pour chef. La nature semblait avoir fait le duc de Bourgogne Jean-sans-Peur tout exprès pour haïr le duc d’Orléans. Il avait peu d’avantages physiques, peu d’apparence, peu de taille, peu de facilité[1]. Son silence habituel couvrait un caractère violent. Héritier d’une grande puissance, il tenta de grandes choses et échoua d’autant plus tristement. Sa captivité de Nicopolis coûta gros au royaume. Nourri d’amertume et d’envie, il souffrait cruellement de voir en face cette heureuse et brillante figure qui devait toujours l’éclipser. Avant que leur rivalité éclatât, avant que de secrets outrages eussent engendré en eux de nouvelles haines, il semblait être déjà le Caïn prédestiné de cet Abel.

L’équité nous oblige de faire remarquer avant tout que l’histoire de ce temps n’a guère été écrite que par les ennemis du duc d’Orléans. Cela doit nous mettre en défiance. Ceux qui le tuèrent en sa personne, ont dû faire ce qu’il fallait pour le tuer aussi dans l’histoire.

Monstrelet est sujet et serviteur de la maison de Bourgogne[2]. Le Bourgeois de Paris est un bourgui-

  1. Le Religieux de Saint-Denis ajoute toutefois que, quoiqu’il parlât peu, il avait de l’esprit ; ses yeux étaient intelligents. Il en existe un portrait fort ancien au musée de Versailles et au château d’Eu. Il est en prières, déjà vieux, les chaires molles, l’air bonasse et vulgaire. Christine l’appelle en 1404 : « Prince de toute bonté, salvable, juste, saige, benigne, douls et de toute bonne meurs. »
  2. App. 60.