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HISTOIRE DE FRANCE

mère apparemment, dont son mari même, le sage et froid Charles V, ne pouvait s’empêcher de dire : « C’est le soleil du royaume. » Une femme mit la grâce en lui, et les femmes la cultivèrent Et que serions-nous sans elles ? Elles nous donnent la vie (et cela, c’est peu), mais aussi la vie de l’âme. Que de choses nous apprenons près d’elles comme fils, comme amants ou amis… C’est par elles, pour elles, que l’esprit français est devenu le plus brillant, et, ce qui vaut mieux, le plus sensé de l’Europe. Ce peuple n’étudiait volontiers que dans les conversations des femmes ; en causant avec ces aimables docteurs qui ne savaient rien, il a tout appris[1].

Nous n’avons pas la galerie où le jeune Louis eut la dangereuse fatuité de faire peindre ses maîtresses. Nous connaissons assez mal les femmes de ce temps-là. J’en vois trois pourtant qui de près ou de loin tinrent au duc d’Orléans. Toutes trois, de père ou de mère, étaient Italiennes. De l’Italie partait déjà le premier souffle de la Renaissance ; le Nord, réchauffé de ce vent parfumé du Sud, crut sentir, comme dit le poète, « une odeur de Paradis[2] ».

De ces Italiennes, l’une fut la femme du duc d’Or-

  1. L’éducation d’un jeune chevalier par les femmes est l’invariable sujet des romans ou histoires romanesques du quinzième siècle. App. 57.
  2. Quan la doss aura venta
    Deves vostre pais,
    M’es veiaire que senta
    Odor de Paradis.

    « Quand le doux zéphyr souffle de votre pays, ô ma Dame, il me semble que je sens une odeur de Paradis. » (Bernard de Ventadour.)