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FOLIE DE CHARLES VI

jeun ; mais pour le roi ce n’était pas toujours le moment lucide.

Charles VI ayant eu pourtant trois jours de bon, on en profita pour lui faire signer une ordonnance qui, selon le vœu de l’Université, suspendait l’autorité de Benoît XIII dans le royaume de France. Le maréchal Boucicaut fut envoyé à Avignon pour le contraindre par corps. Le vieux pontife se défendit dans le château d’Avignon, en vrai capitaine (1398-1399). N’ayant plus de bois pour sa cuisine, il brûla une à une les poutres de son palais. Les Français avaient honte eux-mêmes de cette guerre ridicule. Les partisans de l’autre pape ne lui étaient pas plus soumis. Les Romains étaient en armes contre Boniface, comme les Français contre Benoît.

Voilà donc la papauté, l’empire, la royauté aux prises et s’injuriant ; l’empereur ivre, le roi idiot, prenant le pouvoir spirituel, suspendant le pape, tandis que le pape saisit les armes temporelles et endosse la cuirasse. Les dieux humains délirent, défendent qu’on leur obéisse, et se proclament fols…

Cela était certain, réel, mais aucunement vraisemblable, contraire à toute raison, propre à faire croire de préférence les mensonges les plus hasardés. Nulle comédie, nul Mystère ne devait dès lors choquer les esprits. Le plus fol n’était pas celui qui oubliait des réalités absurdes pour des fictions raisonnables. Ces Mystères aidaient d’ailleurs à l’illusion par leur prodigieuse durée ; quelques-uns se divisaient en quarante jours. Une représentation si longue devenait pour le