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FOLIE DE CHARLES VI

Le roi de Hongrie, qui avait appris à ses dépens ce genre de guerre, pria du moins les croisés de laisser ses Hongrois à l’avant-garde, d’opposer ainsi des troupes légères aux troupes légères, de se réserver. C’était l’avis du sire de Couci. Mais les autres ne voulurent rien écouter. L’avant-garde était le poste d’honneur pour des chevaliers ; ils coururent à l’avant-garde, ils chargèrent, et d’abord renversèrent tout devant eux. Derrière les premiers corps, ils en trouvèrent d’autres, et les dispersèrent encore. Les janissaires mêmes furent enfoncés. Arrivés ainsi au haut d’une colline, ils aperçurent de l’autre côté quarante mille hommes de réserve, et virent en même temps les grandes ailes de l’armée turque qui se rapprochaient pour les enfermer. Alors, il y eut un moment de terreur panique ; la foule des croisés se débanda ; les chevaliers seuls s’obstinèrent ; ils pouvaient encore se replier sur les Hongrois, qui étaient tout près derrière eux et encore entiers. Mais après de telles bravades il y aurait eu trop de honte ; ils s’élancèrent à travers les Turcs, et se firent tuer pour la plupart.

Quand le sultan vit le champ de bataille et l’immense massacre qui avait été fait des siens, il pleura, se fit amener tous les prisonniers, et les fit décapiter ou assommer ; ils étaient dix mille[1]. Il n’épargna que le duc de Nevers et vingt-quatre des plus grands seigneurs ; il fallut qu’ils fussent témoins de cette horrible boucherie.

  1. App. 42.