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FOLIE DE CHARLES VI

mille ; mais les dix mille votes se réduisirent à trois avis : compromis entre les deux papes, cession de l’un et de l’autre, concile général pour juger l’affaire. La voie de cession sembla la plus sûre. On la croyait d’autant plus facile que Clément VII venait de mourir. Le roi écrivit aux cardinaux de surseoir à l’élection. Ils gardèrent ses lettres cachetées, et se hâtèrent d’élire. Le nouvel élu, Pierre de Luna, Benoît XIII, avait promis, il est vrai, de tout faire pour l’union de l’Église, et de céder, s’il le fallait[1].

Pour obtenir de lui qu’il tînt parole, on lui envoya la plus solennelle ambassade qu’aucun pape eût jamais reçue. Les ducs de Berri, de Bourgogne et d’Orléans vinrent le trouver à Avignon, avec un docteur envoyé par l’Université de Paris. Celui-ci harangua le pape avec la plus grande hardiesse. Il avait pris ce texte : « Illuminez, grand Dieu, ceux qui devraient nous conduire et qui sont eux-mêmes dans les ténèbres et dans l’ombre de la mort. » Le pape parla à merveille ; il répondit avec beaucoup de présence d’esprit et d’éloquence, protestant qu’il ne désirait rien plus que l’union. C’était un habile homme, mais un Aragonais, une tête dure, pleine d’obstination et d’astuce. Il se joua des princes, lassa leur patience, les excédant de doctes harangues, de discours, de réponses et de répliques, lorsqu’il ne fallait, comme on le lui dit, qu’un tout petit mot : Cession[2]. Puis, quand il les vit languissants, découragés,

  1. App. 41.
  2. Le Religieux.