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FOLIE DE CHARLES VI

les paroles de l’Italienne, un subtil poison dans le regard de la femme du Midi.

Un meilleur remède aux troubles d’esprit, un moyen plus sage d’harmoniser nos puissances morales, c’est de recourir à la paix suprême, de se réfugier en Dieu. Le roi se voua à saint Denis, et lui offrit une grosse châsse d’or. Il se fit mener en Bretagne, au mélancolique pèlerinage du Mont-Saint-Michel, in periculo maris ; plus tard, aux affreuses montagnes volcaniques du Puy-en-Velay. On lui fit faire aussi de sévères ordonnances contre les blasphémateurs, contre les juifs. Cette fois, du moins, les juifs furent mieux traités ; le roi, en les chassant, leur permit d’emporter leurs biens. Une autre ordonnance accordait un confesseur aux condamnés, de manière qu’en tuant le corps on sauvât du moins l’âme. Tout jeu fut défendu, sauf l’utile exercice de l’arbalète. Une fille du roi fut offerte à la Vierge, et faite religieuse en naissant ; on espérait que l’innocente créature expierait les péchés de son père et lui obtiendrait guérison.

De toutes les bonnes œuvres royales, la plus royale c’est la paix ; ainsi en jugeait saint Louis[1]. Les rois ne sont ici-bas que pour garder la paix de Dieu. On croyait généralement que la maison de France était frappée

  1. Voir ses belles paroles, à ce sujet, dans son Instruction à son fils : « Chier fils, je t’enseigne que les guerres et les contens qui seront en ta terre, ou entre tes homes, que tu metes peine de l’apaiser à ton pouvoir ; car c’est une chose qui moult plest à Notre-Seigneur : et messire saint Martin nous a donné moult grant exemple, car il ala pour metre pès entre les clers qui estoient en sa archevêché, au tems qu’il savoit par Notre-Seigneur que il devoit mourir ; et li sembla que il metoit bone fin en sa vie en ce fere. »