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HISTOIRE DE FRANCE

l’avait sauvé du feu. Mais celle qui avait sur lui le plus d’empire, c’était sa belle-sœur, Valentina, la duchesse d’Orléans. Il la reconnaissait fort bien, et l’appelait : « Chère sœur. » Il fallait qu’il la vît tous les jours ; il ne pouvait durer sans elle ; si elle ne venait, il l’allait chercher. Cette jeune femme, déjà délaissée de son mari, avait pour le pauvre fol un singulier attrait ; ils étaient tous deux malheureux. Elle seule savait se faire écouter de lui ; il lui obéissait, ce fol, elle était devenue sa raison.

Personne, que je sache, n’a bien expliqué encore ce phénomène de l’infatuation, cette fascination étrange qui tient de l’amour et n’est pas l’amour. Ce ne sont pas seulement les personnes qui l’exercent ; les lieux ont aussi cette influence ; témoin le lac dont Charlemagne ne pouvait, dit-on, détacher ses yeux[1]. Si la nature, si les forêts muettes, les froides eaux, nous captivent et nous fascinent, que sera-ce donc de la femme ? Quel pouvoir n’exercera-t-elle pas sur l’âme souffrante qui viendra chercher près d’elle le charme des entretiens solitaires et des voluptueuses compassions ?

Douce, mais dangereuse médecine, qui calme et qui trouble. Le peuple, qui juge grossièrement, et qui juge bien, sentait que ce remède était un mal encore. Elle a, disaient-ils, cette Visconti, venue du pays des poisons, des maléfices, elle a ensorcelé le roi… Et il pouvait bien y avoir, en effet, quelque enchantement dans

  1. On expliquait aussi par un talisman l’influence de Diane de Poitiers sur Henri II. (Guilbert.)