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FOLIE DE CHARLES VI

et couvents. Craon se tint à cheval avec quarante bandits au coin de la rue Sainte-Catherine ; Clisson arrive, ils éteignent les torches, fondent sur lui. Le connétable crut d’abord que c’était un jeu du jeune frère du roi. Mais Craon voulut, en le tuant, lui donner l’amertume de savoir par qui il mourait. « Je suis votre ennemi, lui dit-il, je suis Pierre de Craon. » Le connétable, qui n’avait qu’un petit coutelas, para du mieux qu’il put. Enfin, atteint à la tête, il tomba ; fort heureusement, il ouvrit en tombant une porte entre-bâillée, celle d’un boulanger qui chauffait son four à cette heure avancée de la nuit. La tête et la moitié du corps se trouvèrent dans la boutique ; pour l’achever, il eût fallu entrer. Mais les quarante braves n’osèrent descendre de cheval ; ils aimèrent mieux croire qu’il en avait assez, et se sauvèrent au galop par la porte Saint-Antoine.

Le roi, qui se couchait, fut averti un moment après. Il ne prit pas le temps de s’habiller ; il vint sans attendre sa suite, en chemise, dans un manteau. Il trouva le connétable déjà revenu à lui et lui promit de le venger, jurant que jamais chose ne serait payée plus cher que celle-là.

Cependant le meurtrier s’était blotti dans son château de Sablé au Maine, puis dans quelque coin de la Bretagne. Les oncles du roi qui étaient ravis de l’événement, et qui d’avance en avaient su quelque chose, disaient, pour amuser le roi et gagner du temps, que Craon était en Espagne. Mais le roi ne s’y trompait pas. C’était le duc de Bretagne qu’il voulait punir. Il