Seul… Mais au moyen âge on n’était pas longtemps seul. Le Diable vient vite, dans ces moments, à la place de Dieu. L’âme gisante est pour lui un jouet qu’il tourne et pelote… Et cette pauvre âme est si malade qu’elle veut rester malade, creusant son mal et fouillant les mauvaises jouissances : Mala mentis gaudia. Leurrée de croyances folles, amusée de lueurs sombres, menée de côté et d’autre par la vaine curiosité, elle cherche à tâtons dans la nuit ; elle a peur et elle cherche…
Ce sont d’étranges époques. On nie, on croit tout. Une fiévreuse atmosphère de superstition sceptique enveloppe les villes sombres. L’ombre augmente dans leurs rues étroites ; leur brouillard va s’épaississant aux fumées d’alchimie et de sabbat. Les croisées obliques ont des regards louches. La boue noire des carrefours grouille en mauvaises paroles. Les portes sont fermées tout le jour ; mais elles savent bien s’ouvrir le soir pour recevoir l’homme du mal, le juif, le sorcier, l’assassin.
On s’attend alors à quelque chose. À quoi ? On l’ignore. Mais la nature avertit ; les éléments semblent chargés. Le bruit courut un moment, sous Charles VI, qu’on avait empoisonné les rivières[1]. Dans tous les esprits, flottait d’avance une vague pensée de crime.