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JEUNESSE DE CHARLES VI

tr’acte de la vie spirituelle, l’éternelle nature reparaît, toujours jeune et charmante. Elle s’empare de l’homme défaillant, et l’attire contre son sein.

Elle revient après le christianisme, malgré lui, elle revient comme péché. Le charme n’en est que plus irritant pour l’homme, le désir plus âpre. N’étant pas encore comprise, n’étant pas science, mais magie, elle exerce sur l’homme une fascination meurtrière. Le fini va se perdre dans le charme infiniment varié de la nature. Lui, il donne, donne sans compter. Elle, belle, immuable, elle reçoit toujours et sourit.

Il faut donc que tout y passe. L’alchimiste vieillissant à la recherche de l’or, maigre et pâle sur son creuset, soufflera jusqu’à la fin. Il brûlera ses meubles, ses livres ; il brûlerait ses enfants… D’autres poursuivront la nature dans ses formes les plus séduisantes ; ils languiront à la recherche de la beauté. Mais la beauté fuit comme l’or ; chacune de ses gracieuses apparitions échappe à l’homme, vaine et vide, et toute vaine qu’elle est, elle n’emporte pas moins les plus riches dons de son être… Ainsi triomphe de l’être éphémère l’insatiable, l’infatigable nature. Elle absorbe sa vie, sa force ; elle le reprend en elle, lui et son désir, et résout l’amour et l’amant dans l’éternelle chimie.

Que si la vie ne manque point, mais que seulement l’âme défaille, alors c’est bien pis. L’homme n’a plus de la vie que la conscience de sa mort. Ayant éteint son dieu intérieur, il se sent délaissé de Dieu, et comme excepté seul de l’universelle providence.