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HISTOIRE DE FRANCE

presque autant d’efforts qu’il en aurait fallu pour conquérir l’Angleterre. On rassembla quinze mille hommes d’armes, quatre-vingt mille fantassins[1]. La difficulté n’était pas de lever des hommes, mais de les faire arriver jusque-là. Le duc de Bourgogne, pour qui on faisait la guerre, ne voulut pas que cette grande et dévorante armée passât par son riche Brabant, dont il allait hériter. Il fallut tourner par les déserts de la Champagne, s’enfoncer dans les Ardennes, par les basses, humides et boueuses forêts, en suivant, comme on pouvait, les sentiers des chasseurs. Deux mille cinq cents hommes armés de haches allaient devant pour frayer la route, jetaient des ponts, comblaient les marais. La pluie tombait ; le pays était triste et monotone. On ne trouvait rien à prendre, personne, pas même d’ennemis. D’ennui et de lassitude, on finit par écouter les princes qui intercédaient, l’archevêque de Cologne, l’évêque de Liège, le duc de Juliers. Charles VI fut touché surtout des prières d’une grande dame du pays, qui se disait éprise d’amour pour l’invincible roi de France[2]. Sous ce doux patronage, le duc de Gueldre fut reçu à s’excuser ; il parla à genoux, et affirma que les défis n’avaient pas été écrits par lui, que c’étaient ses clercs qui lui avaient joué ce tour (1388).

Le résultat était grand pour le duc de Bourgogne, petit pour le roi. Deux mots d’excuses pour payer tant de peines et de dépenses, c’était peu. Au reste, les autres

  1. On renvoya, il est vrai, le plus grand nombre comme impropre au service. Le même Nicolas Boulard, dont nous avons parlé, pourvut aux approvisionnements. App. 24.
  2. App. 25.