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JEUNESSE DE CHARLES VI

tagne, reprit l’expédition, et en fit l’affaire de sa province. Clisson visait haut ; il venait de racheter aux Anglais le jeune comte de Blois, prétendant au duché de Bretagne ; il lui donna sa fille, et il l’aurait fait duc. Le duc régnant, Jean de Montfort, prit Clisson en trahison ; mais ses barons l’empêchèrent de le tuer[1]. Ce petit événement fit encore manquer la grande expédition d’Angleterre.

Les Anglais, réveillés toutefois et bien avertis, prirent des mesures. Ils désarmèrent leur roi, qui leur était suspect. Leur nouveau gouvernement nous chercha de l’occupation en Allemagne. Il y avait force petits princes nécessiteux qu’on pouvait acheter à bon marché. Le duc de Gueldre, qui avait plus d’un différend avec les maisons de Bourgogne et de Blois, se vendit aux Anglais pour une pension de vingt-quatre mille francs ; il leur fit hommage, et, d’autant plus hardi qu’il avait moins à perdre[2], il défia majestueusement le roi de France.

Le duc de Bourgogne fut charmé, pour l’extension de son influence, de faire sentir dans les Pays-Bas et si loin vers le nord ce que pesait le grand royaume. Il fit faire contre cet imperceptible duc de Gueldre

  1. Le sire de Laval dit au duc de Bretagne : « Il n’y auroit en Bretagne chevalier ni écuyer, cité, chastel ni bonne ville, ni homme nul, qui ne vous haït à mort et ne mit peine à vous déshériter. Ni le roi d’Angleterre ni son conseil ne vous en sauroient nul gré. Vous voulez-vous perdre pour la vie d’un homme ? » (Froissart.)
  2. Et plus à gagner : « Plus est riche et puissant le duc de Bourgogne, tant y vaut la guerre mieulx… Pour une buffe que je recevrai, j’en donnerai six. » (Froissart.)