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MORT D’HENRI V ET DE CHARLES VI

l’animait d’un zèle implacable contre ses adversaires, c’est qu’il avait partagé, ou semblait partager encore plusieurs de leurs opinions. Lui aussi, à une autre époque, il avait dit comme Jean Petit cette parole homicide : « Nulle victime plus agréable à Dieu qu’un tyran[1]. » Dans sa doctrine sur la hiérarchie et la juridiction de l’Église, il avait bien aussi quelque rapport avec les novateurs. Jean Huss soutenait, comme Wicleff, qu’il est permis à tout prêtre de prêcher sans autorisation de l’évêque ni du pape. Et Gerson, à Constance même, fit donner aux prêtres et même aux docteurs laïques le droit de voter avec les évêques et de juger le pape. Il reprochait à Jean Huss de rendre l’inférieur indépendant de l’autorité, et cet inférieur, il le constituait juge de l’autorité même.

Les trois papes furent déclarés déchus. Jean XXIII fut dégradé, emprisonné. Grégoire XII abdiqua. Le seul Benoît XIII (Pierre de Luna), retiré dans un fort du royaume de Valence, abandonné de la France, de l’Espagne même, et n’ayant plus dans son obédience que sa tour et son rocher, n’en brava pas moins le concile, jugea ses juges, les vit passer comme il en avait vu tant d’autres, et mourut invincible à près de cent ans.

Le concile traita Jean Huss comme un pape, c’est-à-dire très mal. Ce docteur était en réalité, depuis 1412, comme le pape national de la Bohême. Soutenu par toute la noblesse du pays, directeur de la reine, poussé

  1. D’après Sénèque le Tragique, « nulla Deo gratior victima quam tyrannus ». (Gerson, Considerationes contra adulatores.)