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HISTOIRE DE FRANCE

de France son royaume et son enfant. La pauvre demoiselle était obligée d’épouser un maître ; elle lui apportait en dot la ruine de son frère. Elle devait recevoir un ennemi dans son lit, lui enfanter des fils maudits de la France.

Il eut si peu d’égard pour elle, que le matin même de la nuit des noces il partit pour le siège de Sens[1]. Cet implacable chasseur d’hommes court ensuite à Montereau. Et ne pouvant réduire le château, il fait pendre les prisonniers au bord des fossés[2]. C’était pourtant le premier mois de son mariage, le moment où il n’y a point de cœur qui n’aime et ne pardonne ; sa jeune Française était enceinte ; il n’en traitait pas mieux les Français.

Avec toute cette impétuosité, il fallut bien qu’il patientât devant Melun ; le brave Barbazan l’y arrêta plusieurs mois. Le roi d’Angleterre, employant tous les moyens, amena au siège Charles VI et les deux reines, se présentant comme gendre du roi de France, parlant au nom de son beau-père, se servant de sa femme comme d’amorce et de piège. Toutes ces habiletés ne réussirent pas. Les assiégés résistèrent vaillamment ; il y eut des combats acharnés autour des murs et sous les murs, dans les mines et contre-

  1. Comme on allait faire des joutes pour le mariage, « il dit, oïant tous, de son mouvement : Je prie à M. le Roy, de qui j’ai espousé la fille, et à tous ses serviteurs, et à mes serviteurs je commande que demain au matin nous soyons tous prêts pour aller mettre le siège devant la cité de Sens, et là, pourra chascun jouster ». (Journal du Bourgeois.)
  2. « Auquel lieu le roi d’Angleterre fit dresser un gibet, où les dessusdits prisonniers furent tous pendus, voyant ceux du chastel. » (Monstrelet.)