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JEUNESSE DE CHARLES VI

encore, mais disposé à obéir. L’avocat général Desmarets avait eu l’adresse de tout contenir, donnant de bonnes paroles, promettant plus qu’il ne pouvait, trahissant vertueusement les deux partis, comme font les modérés. Lorsque le roi arriva, les bourgeois, pour le mieux fêter, crurent faire une belle chose en se mettant en bataille. Peut-être aussi espéraient-ils, en montrant ainsi leur nombre, obtenir de meilleures conditions. Ils s’étalèrent devant Montmartre en longues files ; il y avait un corps d’arbalétriers, un corps armé de boucliers et d’épées, un autre armé de maillets ; ces maillotins, à eux seuls, étaient vingt mille hommes[1].

Ce spectacle ne fit pas l’impression qu’ils espéraient. La noblesse, qui menait le roi, revenait bouffie de sa victoire de Roosebeke. Les gens d’armes commencèrent par jeter bas les barrières ; puis on arracha les portes même de leurs gonds ; on les renversa sur la chaussée du roi ; les princes, toute cette noblesse, eurent la satisfaction de marcher sur les portes de Paris[2]. Ils continuèrent en vainqueurs jusqu’à Notre-Dame. Le jeune roi, bien dressé à faire son personnage, chevauchait la lance sur la cuisse, ne disant rien, ne saluant personne, majestueux et terrible.

Le soldat logea militairement chez le bourgeois. On cria que tous eussent à porter leurs armes au Palais ou au Louvre. Ils en portèrent tant, dans leur peur, qu’il s’en trouvait, disait-on, de quoi armer huit cent

  1. App. 18.
  2. « … Quasi leoninam civium superbiam conculcarent… » (Religieux de Saint-Denis.)