Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 4.djvu/30

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
22
HISTOIRE DE FRANCE

qu’aux extrémités ; le centre étouffait. Ce n’était point le tumulte ordinaire d’une bataille, mais les cris inarticulés de gens qui perdaient haleine, les sourds gémissements, le râle des poitrines qui craquaient[1].

Les oncles du roi, qui l’avaient tenu hors de l’action et à cheval, l’amenèrent ensuite sur la place, et lui montrèrent tout. Ce champ était hideux à voir ; c’était un entassement de plusieurs milliers d’hommes étouffés. Ils lui dirent que c’était lui qui avait gagné la bataille, puisqu’il en avait donné l’ordre et le signal. On avait remarqué d’ailleurs qu’au moment où le roi fit déployer l’oriflamme, le soleil se leva, après cinq jours d’obscurité et de brouillard.

Contempler ce terrible spectacle, croire que c’était lui qui avait fait tout cela, éprouver, parmi les répugnances de la nature, la joie contre nature de cet immense meurtre, c’était de quoi troubler profondément un jeune esprit. Le duc de Bourgogne put bientôt s’en apercevoir, à son propre dommage. Lorsqu’il ramena à Courtrai son jeune roi, le cœur ivre de sang, quelqu’un ayant eu l’imprudence de lui parler des cinq cents éperons français qu’on y gardait depuis la défaite de Philippe-le-Bel, il ordonna qu’on mît la ville à sac et qu’on la brûlât.

Le roi, ainsi animé, voulait pousser la guerre, aller jusqu’à Gand, l’assiéger ; mais la ville était en défense. Le mois de décembre était venu ; il pleuvait toujours. Les princes aimèrent mieux faire la guerre aux Parisiens soumis qu’aux Flamands armés. Paris était ému

  1. App. 17.