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HISTOIRE DE FRANCE

nobles et croyait être trahie par eux. Déjà en 1415, les voyant faire si peu de résistance aux Anglais descendus en Normandie, le peuple s’était soulevé et avait tué le bailli armagnac. Les nobles bourguignons n’inspirèrent pas plus de confiance[1]. Le peuple crut toujours qu’ils le trahissaient. Dans une sortie, les gens de Rouen attaquant les retranchements des Anglais, apprennent que le pont sur lequel ils doivent repasser vient d’être scié en dessous. Ils accusèrent leur capitaine, le sire de Bouteiller. Celui-ci ne justifia que trop ces accusations après la reddition de la ville ; il se fit Anglais et reçut des fiefs de son nouveau maître.

Les gens de Rouen ne tardèrent pas à souffrir cruellement de la famine. Ils parvinrent à faire passer un de leurs prêtres jusqu’à Paris. Ce prêtre fut amené devant le roi par le carme Pavilly, qui parla pour lui ; puis l’homme de Rouen prononça ces paroles solennelles : « Très excellent prince et seigneur, il m’est enjoint de par les habitants de la ville de Rouen de crier contre vous, et aussi contre vous, sire de Bourgogne, qui avez le gouvernement du roi et de son royaume, le grand haro, lequel signifie l’oppression qu’ils ont des Anglais ; ils vous mandent et font savoir par moi, que si, par faute de votre secours, il convient qu’ils soient sujets au roi d’Angleterre, vous n’aurez en tout le monde pires ennemis qu’eux, et s’ils peuvent, ils détruiront vous et votre génération[2]. »

  1. App. 197.
  2. Monstrelet.