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HISTOIRE DE FRANCE

sur lui le couteau ; mais, comme il ne lâcha point le corps du Christ, ils n’osèrent pas le tuer.

Seize cents personnes périrent du dimanche matin au lundi matin[1]. Tout ne fut pas aux prisons ; on tua aussi dans les rues ; si l’on voyait passer son ennemi, on n’avait qu’à crier à l’Armagnac, il était mort. Une femme grosse fut éventrée ; elle resta nue dans la rue, et comme on voyait l’enfant remuer, la canaille disait autour : « Vois donc, ce petit chien remue encore. » Mais personne n’osa le prendre. Les prêtres du parti bourguignon ne baptisaient pas les petits Armagnacs, afin qu’ils fussent damnés.

Les enfants des rues jouaient avec les cadavres. Le corps du connétable et d’autres restèrent trois jours dans le palais, à la risée des passants. Ils s’étaient avisés de lui lever dans le dos une bande de peau, afin que lui aussi il portât sa bande blanche d’Armagnac. La puanteur força enfin de jeter tous les débris dans des tombereaux, puis, sans prêtres ni prières, dans une fosse ouverte au Marché-aux-Pourceaux[2].

Les gens du Bourguignon, effrayés eux-mêmes, le pressaient fort de venir à Paris. Il y fit en effet son entrée avec la reine. Ce fut une grande joie pour le peuple ; ils criaient de toutes leurs forces : « Vive le roi ! vive la reine ! vive le duc ! vive la paix ! »

La paix ne vint pas, les vivres non plus. Les Anglais tenaient la rivière par en bas, par en haut les Armagnacs étaient maîtres de Melun. Une sorte d’épidémie

  1. App. 191.
  2. « En une fosse nommée la Louvière… » (Lefebvre de Saint-Remy.)