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HENRI V

la rareté des vivres ; il ne laissait plus rien venir ni de Rouen ni de la Beauce. Les chanoines mêmes, dit l’historien, furent obligés de mettre bas leur cuisine. Le roi, revenant à lui et apprenant que c’étaient les Bourguignons qui rendaient ses repas si maigres, disait au connétable : « Que ne chassez-vous ces gens-là ! »

Le duc de Bourgogne, ne pouvant blesser directement son ennemi, lui porta indirectement un grand coup. Il enleva la reine de Tours ; elle déclara qu’elle était régente et qu’elle défendait de payer les taxes. Cette défense circula non seulement dans le Nord, mais dans le Midi, en Languedoc. Cela devait tuer Armagnac ; il ne lui restait que Paris, Paris ruiné, affamé, furieux.

Le roi d’Angleterre n’avait pas à se presser ; les Français faisaient sa besogne ; ils suffisaient bien à ruiner la France. Fier de la neutralité, de l’amitié secrète des ducs de Bourgogne et de Bretagne, négociant toujours avec les Armagnacs, il eut le bon esprit d’attendre et de ne pas venir à Paris. Il fit sagement, politiquement, la conquête de la Normandie, de la basse Normandie d’abord, puis de la haute, Caen en 1417, Rouen en 1418.

Armagnac ne pouvait s’opposer à rien. Il avait assez de peine à contenir Paris ; le duc de Bourgogne campait à Montrouge. Henri V put sans inquiétude faire le siège de cette importante ville de Caen. C’était dès lors un grand marché, un grand centre d’agriculture. Une telle ville eût résisté, si elle eût eu le moindre