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HISTOIRE DE FRANCE

Gand ne manqua pas d’habiles meneurs. Plus on en tuait, plus il s’en trouvait. Le premier, Jean Hyoens, qui dirigea le mouvement, fut empoisonné ; le second, décapité en trahison. Pierre Dubois, un domestique d’Hyoens, succéda ; et voyant les affaires aller mal, il décida les Gantais, pour agir avec plus d’unité, à faire un tyran[1]. Ce fut Philippe Artevelde, fils du fameux Jacquemart, sinon aussi habile, du moins aussi hardi que son père. Assiégé, sans secours, sans vivres, il prend ce qui restait, cinq charrettes de pain, deux de vin ; avec cinq mille Gantais, il marche droit à Bruges, où était le comte. Les Brugeois, qui se voyaient quarante mille, sortent fièrement, et se sauvent aux premiers coups. Les Gantais entrent dans la ville avec les fuyards, pillent, tuent, surtout les gens des gros métiers[2]. Le comte échappa en se cachant dans le lit d’une vieille femme (3 mai 1382).

Le duc de Bourgogne, gendre et héritier du comte de Flandre, n’eut pas de peine à faire croire au jeune roi que la noblesse était déshonorée, si on laissait l’avantage à de tels ribauds. Ils avaient d’ailleurs couru le pays de Tournai, qui était terre de France. Une guerre en Flandre, dans ce riche pays, était une fête pour les gens de guerre ; il vint à l’armée tout un peuple de Bourguignons, de Normands, de Bretons[3]. Ypres eut peur ; la peur gagna, les villes se livrèrent.

  1. App. 14.
  2. App. 15.
  3. Le Religieux de Saint-Denis prétend que cette armée montait à plus de cent mille hommes. Ce fut un seul fournisseur, un bourgeois de Paris, Nicolas Boulard, qui se chargea d’approvisionner pour quatre mois le marché qui se tenait au camp.