aux Français. Il offrait de renoncer au titre de roi de France et de rendre Harfleur, pourvu qu’on lui donnât la Guyenne, un peu arrondie, le Ponthieu, une fille du roi et huit cent mille écus. Ce parlementage entre les deux armées ne diminua pas, comme on eût pu le croire, la fermeté anglaise ; pendant ce temps, les archers assuraient leurs pieux.
Les deux armées faisaient un étrange contraste. Du côté des Français, trois escadrons énormes, comme trois forêts de lances, qui, dans cette plaine étroite, se succédaient à la file et s’étiraient en profondeur ; au front, le connétable, les princes, les ducs d’Orléans, de Bar et d’Alençon, les comtes de Nevers, d’Eu, de Richemont, de Vendôme, une foule de seigneurs, une iris éblouissante d’armures émaillées, d’écussons, de bannières, les chevaux bizarrement déguisés dans l’acier et dans l’or. Les Français avaient aussi des archers, des gens des communes[1] : mais où les mettre ? Les places étaient comptées, personne n’eût donné la sienne[2] ; ces gens auraient fait tache
- ↑ Quatre mille archers, sans compter de nombreuses milices. Les Parisiens avaient offert six mille hommes armés ; on n’en voulut pas. Un chevalier dit à cette occasion : « Qu’avons-nous besoin de ces ouvriers ? nous sommes déjà trois fois plus nombreux que les Anglais. » Le Religieux remarque qu’on fit la même faute à Courtrai, à Poitiers et à Nicopolis, et il ajoute des réflexions hardies pour le temps.
- ↑ Tous, dit le Religieux, voulaient être à l’avant-garde : « Cum singuli anti-guardiam poscerent conducendam… essetque inde exorta verbalis controversia, tandem tamen unanimiter (proh dolor !) concluserunt ut omnes in prima fronte locarentur. » — C’est ainsi que le grand-père de Mirabeau nous apprend qu’au pont de Cassano les officiers furent au moment de tirer l’épée les uns contre les autres, tous voulant être les premiers au combat. (Mémoires des Mirabeau.)