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L’ANGLETERRE. — AZINCOURT

pour ne pas les salir dans la boue ; boue profonde, pluie froide ; ils étaient morfondus. Encore, s’il y avait eu de la musique[1]… Les chevaux même étaient tristes ; pas un ne hennissait… À ce fâcheux augure, joignez les souvenirs ; Azincourt n’est pas loin de Créci.

Le matin du 25 octobre 1415, jour de saint Crépin et saint Crépinien, le roi d’Angleterre entendit, selon sa coutume, trois messes[2], tout armé, tête nue. Puis il se fit mettre en tête un magnifique bassinet où se trouvait une couronne d’or, cerclée, fermée, impériale. Il monta un petit cheval gris, sans éperons, fit avancer son armée sur un champ de jeunes blés verts, où le terrain était moins défoncé par la pluie, toute l’armée en un corps, au centre les quelques lances qu’il avait, flanquées de masses d’archers ; puis il alla tout le long au pas, disant quelques paroles brèves : « Vous avez bonne cause, je ne suis venu que pour demander mon droit… Souvenez-vous que vous êtes de la vieille Angleterre ; que vos parents, vos femmes et vos enfants vous attendent là-bas ; il faut avoir un beau retour. Les rois d’Angleterre ont toujours fait de belle besogne en France… Gardez l’honneur de la Couronne ; gardez-vous vous-mêmes. Les Français disent qu’ils feront couper trois doigts de la main à tous les archers. »

Le terrain était en si mauvais état que personne ne se souciait d’attaquer. Le roi d’Angleterre fit parler

  1. Lefebvre de Saint-Remy.
  2. « Car il avoit coustume d’en oyr chascun jour, trois l’une après l’autre. » (Jehan de Vaurin, ms.)