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HISTOIRE DE FRANCE

dèrent à consulter leurs villes, et les villes ne voulurent rien entendre[1]. Il fallut que les princes cédassent. Ils vendirent aux Parisiens la paix pour cent mille francs.

Ce qui brusqua l’arrangement, c’est que le régent était forcé de partir ; il ne pouvait plus différer son expédition d’Italie. La reine Jeanne de Naples, menacée par son cousin Charles de Duras, avait adopté Louis d’Anjou, et l’appelait depuis deux ans[2]. Mais, tant qu’il avait eu quelque chose à prendre dans le royaume, il n’avait pu se décider à se mettre en route. Il avait employé ces deux ans à piller la France et l’Église de France. Le pape d’Avignon, espérant qu’il le déferait de son adversaire de Rome, lui avait livré non seulement tout ce que le Saint-Siège pouvait recevoir, mais tout ce qu’il pourrait emprunter, engageant, de plus, en garantie de ces emprunts, toutes les terres de l’Église[3]. Pour lever cet argent, le duc d’Anjou avait mis partout chez les gens d’Église des sergents royaux, des garnisaires, des mangeurs, comme on disait. Ils en étaient réduits à vendre les livres de leurs églises, les ornements, les calices, jusqu’aux tuiles de leurs toits.

Le duc d’Anjou partit enfin, tout chargé d’argent et de malédictions (fin avril 1382). Il partit lorsqu’il n’était plus temps de secourir la reine Jeanne. La malheureuse, fascinée par la terreur, affaissée par l’âge ou par le souvenir de son crime, avait attendu

  1. « Quibusdam ex potentioribus urbibus… Potius mori optamus quam leventur. » (Religieux.).
  2. App. 7.
  3. App. 8.