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JEUNESSE DE CHARLES VI

notables au Parloir aux bourgeois ; mais il en vint bien d’autres ; un tanneur demanda si l’on croyait les amuser ainsi. Ils menèrent, bon gré mal gré, le prévôt au palais. Le duc d’Anjou et le chancelier montèrent tout tremblants sur la Table de marbre et promirent l’abolition des impôts établis depuis Philippe-de-Valois, depuis Philippe-le-Bel. La populace courut de là aux juifs, aux receveurs, pilla, tua[1].

Le moyen d’occuper ces bêtes furieuses, c’était de leur jeter un homme. Les princes choisirent un de leurs ennemis personnels, un des conseillers du feu roi, le vieil Aubriot, prévôt de Paris. Ils avaient d’ailleurs leurs raisons ; Aubriot avait prêté de l’argent à plus d’un grand seigneur, qui se trouvait quitte, s’il était pendu. Ce prévôt était un rude justicier, un de ces hommes que la populace aime et hait, parce que, tout en malmenant le peuple, ils sont peuple eux-mêmes. Il avait fait faire d’immenses travaux dans Paris, le quai du Louvre, le mur Saint-Antoine, le pont Saint-Michel, les premiers égouts, tout cela par corvée, en ramassant les gens qui traînaient dans les rues. Il ne traitait pas l’Église ni l’Université plus doucement ; il s’obstinait à ignorer leurs privilèges. Il avait fait tout exprès au Châtelet deux cachots pour les écoliers et les clercs[2]. Il haïssait nommément l’Université « comme mère des

  1. Maints débiteurs profitèrent du tumulte pour faire enlever chez leurs créanciers les titres de leurs obligations. (Religieux.)
  2. « Teterrimos carceres composuerat, uni Claustri Brunelli, alteri Vici Straminum adaptans nomina ». (Idem.)