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HISTOIRE DE FRANCE

stérile éducation du temps, languissaient sans espoir de vieux écoliers. Il y avait là de bizarres existences, des gens qui, sans famille, sans amis, sans connaissance du monde, avaient passé toute une vie dans les greniers du pays latin, étudiant, faute d’huile, au clair de la lune, vivant d’arguments ou de jeûnes, ne descendant des sublimes misères de la Montagne, de la gouttière de Standonc[1], de la lucarne d’où fut jeté Ramus, que pour disputer à mort dans la boue de la rue du Fouarre ou de la place Maubert.

Les moines Mendiants, nouveaux membres de l’Université, avaient, outre l’aigreur de la scolastique, celle de la pauvreté ; ils étaient souvent haineux et envieux par-dessus toute créature ; misérables et faisant de leur misère un système, ils ne demandaient pas mieux que de l’infliger aux autres. On a dit (et je crois qu’il en était ainsi pour beaucoup d’entre eux) qu’ils ne comprenaient le christianisme que comme religion de la mort et de la douleur. Mortifiés et mortifiants, ils se tuaient d’abstinences et de violences, et ils étaient prêts à traiter le prochain comme eux-mêmes. C’est parmi eux que le duc de Bourgogne trouva sans peine des gens pour louer le meurtre.

Le mépris que les autres ordres avaient pour les Mendiants était propre à irriter cette disposition

  1. Fils d’un cordonnier de Malines, il vint à Paris comme domestique ou marmiton, selon l’histoire manuscrite de Sainte-Geneviève : le jour il était à sa cuisine, la nuit il se retirait au clocher de l’église et y étudiait au clair de lune. Il entra au collège de Montaigu, releva ce collège alors ruiné, et en fut comme le second fondateur. Il n’est pas moins célèbre pour la violence avec laquelle il prêcha contre le divorce de Louis XII.