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JEUNESSE DE CHARLES VI

le plus jeune des oncles et le plus capable, poussait le roi de ce côté. Par mariage, par achat, par guerre, on pouvait enlever à l’Empire ce qui y tenait le moins, à savoir les Pays-Bas.

Par delà les Pays-Bas, le duc de Bourgogne montrait l’Angleterre. Le moment était bon. Cette orgueilleuse Angleterre avait alors une terrible fièvre. Le roi, les barons et leur homme Wicleff avaient lâché le peuple contre l’Église. Mais le dogue, une fois lancé, se retournait contre les barons. Dans ce péril, tout ce qui avait autorité ou propriété, roi, évêques, barons, se serrèrent et firent corps. Le roi, jeune et impétueux, frappa le peuple, raffermit les grands, puis s’en repentit, recula. La France pouvait profiter de ce faux mouvement, et porter un coup.

Cette France, si forte, n’avait d’empêchement qu’en elle-même. Les oncles la tiraient en sens inverse, au midi, au nord. Il s’agissait de savoir d’abord qui gouvernerait le petit Charles VI. Ces princes qui, pendant l’agonie de leur frère[1], étaient venus avec deux armées se disputer la régence, consentirent pourtant à plaider leur droit au Parlement[2]. Le duc d’Anjou, comme aîné, fut régent. Mais on produisit

  1. Pendant que son frère expirait, le duc d’Anjou s’était tenu caché dans une chambre voisine, puis il avait fait main basse sur tous les meubles, toute la vaisselle, tous les joyaux. — On disait que le feu roi avait fait sceller des barres d’or et d’argent dans les murs du château de Melun, et que les maçons employés à ce travail avaient ensuite disparu. Le trésorier avait juré de garder le secret. Le duc d’Anjou, n’en pouvant rien tirer, fit venir le bourreau : « Coupe la tête à cet homme », lui dit-il. Le trésorier indiqua la place.
  2. Religieux de Saint-Denis.