Est-ce à dire pourtant que ces tristes années aient été perdues, que le temps ait coulé en vain ?… Non, il n’y a point d’années perdues ; le temps a porté son fruit. D’abord, les deux moitiés de la France se sont rapprochées, il est vrai, pour se haïr ; le Midi est venu visiter le Nord, comme au temps des Albigeois le Nord visita le Midi. Ces rapprochements, même hostiles, étaient pourtant nécessaires ; il fallait que la France, pour devenir une plus tard, se connût d’abord, qu’elle se vît, comme elle était, diverse encore et hétérogène.
Ainsi se prépare de loin l’unité de la nation. Déjà le sentiment national est éveillé par les fréquents appels à l’opinion publique, que font les partis dans cette courte période. Ces manifestes continuels pour ou contre le duc de Bourgogne[1], ces prédications politiques dans l’intérêt des factions, ces représentations théâtrales où la foule est admise comme témoin des grands actes politiques, l’échafaud de Chartres, le sermon de la Neutralité, tout cela, c’est déjà implicitement un appel au peuple.
Dans les pédantesques harangues du temps, parmi les violences, les mensonges, parmi le sang et la boue, il y a pourtant une chose qui fait la force du parti de Bourgogne, si souillé et si coupable, à savoir : l’aveu solennel de la responsabilité des puissants, des princes et des rois. L’Université professe cette doctrine alors inouïe, qu’un roi qui accable ses sujets