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HISTOIRE DE FRANCE

épée de justice[1] et de bataille ; ils n’attendaient qu’un signe de lui pour monter à cheval et le suivre n’importe où. On commençait à entrevoir la grande chose des temps modernes, un empire mû comme un seul homme.

Cette force énorme, où allait-elle se tourner ? Qui allait-elle écraser ? Elle flottait incertaine dans une jeune main, gauche et violente, qui ne savait pas même ce qu’elle tenait.

Quelque part que le coup tombât, il n’y avait dans toute la chrétienté rien, ce semble, qui pût résister.

L’Italie, sous ses belles formes, était déjà faible et malade. Ici les tyrans, successeurs des Gibelins ; là les villes guelfes, autres tyrans, qui avaient absorbé toute vie. Naples était ce qu’elle est, mêlée d’éléments divers, une grosse tête sans corps. Sous le prétexte du vieux crime de la reine Jeanne, les uns appelaient les princes hongrois de la première maison d’Anjou, sortie du frère de saint Louis ; les autres réclamaient le secours de la seconde maison d’Anjou, c’est-à-dire de l’aîné des oncles de Charles VI.

L’Allemagne ne valait pas mieux. Elle se dégageait à grand’peine de son ancien état de hiérarchie féodale, sans atteindre encore son nouvel état de fédération. Elle tournait, cette grande Allemagne, vacillante et lourdement ivre, comme son empereur Wenceslas. La France n’avait, ce semble, qu’à lui prendre ce qu’elle voulait. Aussi le duc de Bourgogne,

  1. Pour les appels, sans parler de l’influence indirecte des juges royaux.