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LUTTE DES DEUX PARTIS. — CABOCHIENS

siales, souvent même avec les paroissiens, la vengeance de l’évêque de Liège, Jean-sans-Pitié, ses noyades dans la Meuse, tout cela, chose triste à dire, mais qui peint le siècle, frappa les imaginations et releva le duc de Bourgogne. Cette bataille fut prise pour le jugement de Dieu. On savait qu’il avait d’ailleurs payé de sa personne[1]. Le peuple, comme les femmes, aime les forts : Ferrum est quod amant. On donna au duc de Bourgogne le surnom de Jean-sans-Peur : sans peur des hommes et sans peur de Dieu[2].

La reine et les princes étaient revenus à Paris dans l’absence du duc de Bourgogne[3], et procédaient contre lui. Un éloquent prédicateur, Cérisy, prononçait une touchante apologie de Louis d’Orléans, qui a effacé à jamais le discours de Jean Petit. L’avocat de la veuve et des orphelins concluait à ce que le duc de Bourgogne fît amende honorable, demandât pardon et baisât la terre, et qu’après avoir fait diverses fondations expiatoires, il allât pendant vingt ans outre-mer pour pleurer son crime. Cela se disait le 11 septembre ; le 23, il gagnait la bataille d’Hasbain ; le 24 novembre, il arrivait à Paris. La foule alla voir avec respect l’homme qui venait de tuer vingt-cinq mille hommes ; il s’en trouva pour crier Noël !

La reine et les princes avaient enlevé le roi à

  1. App. 113.
  2. Il eût pu être nommé, tout aussi bien que son cousin l’évêque, Jean-sans-pitié. Monstrelet dit lui-même : « Quand il fut demandé, après la déconfiture, si on cesseroit de plus occire iceux Liegeois, il fit réponse qu’ils mourroient tous ensemble, et que pas ne vouloit qu’on les prenst à rançon ni mist à finance. »
  3. App. 114.