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HISTOIRE DE FRANCE

camper toutes ses troupes autour. Mais son hôtel ne lui semblait pas sûr. Il fallut, pour calmer son imagination, que dans son hôtel même on lui bâtit une chambre toute en pierres de taille, et forte comme une tour[1]. Pendant que ses maçons travaillaient à défendre le corps, ses théologiens faisaient ce qu’ils pouvaient pour cuirasser l’âme. Déjà il avait les certificats de ses docteurs de Flandre ; mais il voulait celui de l’Université, une bonne justification solennelle en présence du roi, des princes, du peuple, qui approuveraient, au moins par leur silence. Il fallait que le monde entier suât à laver cette tache.

Le duc de Bourgogne ne pouvait manquer de défenseurs parmi les gens de l’Université. Son père et lui avaient toujours été liés avec ce corps par la haine commune du duc d’Orléans et de son pape Benoît XIII. Ils avaient protégé les principaux docteurs. Philippe-le-Hardi avait donné un bénéfice au célèbre Jean Gerson[2] ; son successeur pensionnait le cordelier Jean Petit, tous deux grands adversaires du pape.

Toutefois, pour soutenir cette thèse que le partisan du pape avait été bien et justement tué, il fallait trouver un aveugle et violent logicien, capable de suivre intrépidement le raisonnement contre la raison, l’esprit de corps et de parti contre l’humanité et la nature.

Cette logique n’était pas celle des grands docteurs de l’Université, Gerson, d’Ailly, Clémengis. Ils res-

  1. « Fist faire… à puissance d’ouvriers, une forte chambre de pierre, bien taillée, en manière d’une tour. » (Monstrelet.)
  2. Un canonicat de Bruges, auquel Gerson renonça de bonne heure.