Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 4.djvu/141

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
133
LUTTE DES DEUX PARTIS. — CABOCHIENS

Entre autres bruits qu’il fit répandre, on dit partout que le duc d’Orléans depuis longtemps lui dressait des embûches, qu’il n’avait fait que le prévenir[1]. Il fit croire cette grossière invention aux braves Flamands ; sans doute il eût bien voulu y croire aussi.

Cependant l’émotion du tragique événement ne s’affaiblissait pas dans Paris. Ceux même qui regardaient le duc d’Orléans comme l’auteur de tant d’impôts, et qui peut-être s’étaient réjouis tout bas de sa mort, ne purent voir, sans être touchés, sa veuve et ses enfants qui vinrent demander justice. La pauvre veuve, madame Valentine, amenait avec elle son second fils, sa fille et madame Isabeau de France, fiancée au jeune duc d’Orléans, et déjà veuve elle-même, à quinze ans, d’un autre assassiné, du roi d’Angleterre Richard II. Le roi de Sicile, le duc de Berri, le duc de Bourbon, le comte de Clermont, le connétable, allèrent au-devant. La litière était couverte de drap noir et traînée par quatre chevaux blancs. La duchesse était en grand deuil, ainsi que ses enfants et sa suite ; ce triste cortège entra à Paris le 10 décembre, par le plus triste et plus rude hiver qu’on eût vu depuis plusieurs siècles[2].

Descendue à l’hôtel Saint-Paul, elle se jeta à genoux en pleurant devant le roi, qui pleurait aussi. Deux jours après elle revint par-devant le roi et son conseil, portant plainte et demandant justice. Le discours des avocats qui parlèrent pour elle, celui des prédicateurs qui firent l’éloge funèbre du duc d’Or-

  1. App. 100.
  2. App. 101.