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HISTOIRE DE FRANCE

doucement qu’on ne l’y verrait pas avec plaisir. À quoi le coupable répondit, avec le masque d’airain qu’il s’était décidé à prendre : « Je m’en passerai volontiers, monsieur ; qu’on n’accuse personne de la mort du duc d’Orléans ; ce qui s’est fait, c’est moi qui l’ai fait faire. »

Avec ce beau semblant d’audace, le duc de Bourgogne n’était pas rassuré. Il retourna à son hôtel, monta à cheval et galopa sans s’arrêter jusqu’en Flandre. Dès qu’on sut qu’il fuyait, on le poursuivit ; cent vingt chevaliers du duc d’Orléans coururent après lui. Mais il n’y avait pas moyen de l’atteindre ; à une heure il était déjà à Bapaume. Il ordonna, en mémoire de ce péril, que dorénavant les cloches sonnassent à cette heure-là. Cela s’appela longtemps l’Angelus du duc de Bourgogne.

Il avait échappé à ses ennemis, non à lui-même. À peine arrivé à Lille, il convoqua ses barons, ses prêtres. Ils lui prouvèrent invinciblement qu’il n’avait fait que son devoir, qu’il avait sauvé le roi et le royaume. Il reprit courage, rassembla les États de Flandre, d’Artois, ceux de Lille et de Douai, et leur en fit répéter autant[1]. Il le fit dire, prêcher, écrire, et ces écrits furent répandus partout, tant il sentait le besoin de mettre son crime en commun avec ses sujets, de se faire donner par eux l’approbation qu’il ne pouvait plus se donner lui-même, d’étouffer sous la voix du peuple la voix de son cœur.

  1. App. 99.