Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 4.djvu/13

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
5
JEUNESSE DE CHARLES VI

grand plaisir que de se perdre dans la foule, et de recevoir les coups des sergents[1]. Il peut courir les rues, danser, jouter dans sa courte jaquette ; les bourgeois jugeront et régneront pour lui.

Cette Babel des costumes et des blasons exprimait trop faiblement encore l’embrouillement des idées. L’ordre politique naissait ; le désordre intellectuel semblait commencer. La paix publique s’était établie ; la guerre morale se déclarait. On eût dit que du sérieux monde féodal et pontifical s’était, un matin, déchaînée la fantaisie. Cette nouvelle reine du temps se dédommageait après sa longue pénitence. C’était comme un écolier échappé qui fait du pis qu’il peut. Le moyen âge, son digne père, qui si longtemps l’avait contenue, elle le respectait fort ; mais, sous prétexte d’honneur, elle l’habillait de si bonne sorte que le pauvre vieillard ne se reconnaissait plus.

On ne sait pas communément que le moyen âge s’est, de son vivant, oublié lui-même.

Déjà le dur Speculator Durandus, ce gardien inflexible du symbolisme antique, déclare avec douleur que le prêtre même ne sait plus le sens des choses saintes[2].

Le conseiller de saint Louis, Pierre de Fontaines, se croit obligé d’écrire le droit de son temps. « Car, dit-il, les anciennes coutumes que les prud’hommes tenoient, sont tantôt mises à rien… En sorte que le pays est à peu près sans coutume[3]. »

  1. Voir plus bas l’entrée de la reine Isabeau.
  2. App. 3.
  3. App. 4.