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PHILIPPE-LE-BEL. — BONIFACE VIII

évêché, à moins que ce seigneur ne s’arrangeât avec les comtes d’Armagnac et de Comminges, et ne réunît ainsi tout le pays sous son influence.

On attribuait à Saisset des mots piquants contre le roi : « Votre roi de France, disait-il, est un faux monnayeur. Son argent n’est que de l’ordure… Ce Philippe-le-Bel n’est ni un homme, ni même une bête ; c’est une image, et rien de plus… Les oiseaux, dit la fable, se donnèrent pour roi le duc, grand et bel oiseau, il est vrai, mais le plus vil de tous. La pie vint un jour se plaindre au roi de l’épervier, et le roi ne répondit rien (nisi quod flevit). Voilà votre roi de France ; c’est le plus bel homme qu’on puisse voir, mais il ne sait que regarder les gens… Le monde est aujourd’hui comme mort et détruit, à cause de la malice de cette cour… Mais saint Louis m’a dit plus d’une fois que la royauté de France périrait en celui qui est le dixième roi, à partir d’Hugues-Capet. »

Deux commissaires de Philippe, un laïque et un prêtre, étant venus en Languedoc pour instrumenter contre Saisset, il comprit son danger et voulut se sauver à Rome. Les hommes du roi ne lui en laissèrent pas le temps. Ils le prirent de nuit, dans son lit, et l’enlevèrent à Paris, avec ses serviteurs, qui furent mis à la torture. Cependant le roi envoyait au pape, non pour se justifier d’avoir violé les privilèges de l’Église, mais pour demander la dégradation de l’évêque, avant de le mettre à mort. La lettre du roi respire une étrange soif de sang : « Le roi requiert le souverain pontife d’appliquer tel remède, d’exercer le dû de