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PHILIPPE-LE-BEL. — BONIFACE VIII

Savoie, d’Auxerre, Montbéliard, Neuchâtel, ceux de Hainaut et de Gueldres, le duc de Brabant, les évêques de Liège et d’Utrecht, l’archevêque de Cologne, tous promettaient d’attaquer Philippe, tous recevaient l’argent anglais, et tous restèrent tranquilles, excepté le comte de Bar. Édouard les payait pour agir, Philippe pour se reposer.

La guerre se faisait ainsi sans bruit ni bataille. C’était une lutte de corruption, une bataille d’argent, à qui serait le premier ruiné. Il fallait donner aux amis, donner aux ennemis. Faibles et misérables étaient les ressources des rois d’alors pour suffire à de telles dépenses. Édouard et Philippe chassèrent, il est vrai, les juifs, en gardant leurs biens[1]. Mais le juif est glissant, il ne se laisse pas prendre. Il écoulait de France, et trouvait moyen d’emporter. Le roi de France, qui avait des banquiers italiens pour ministres, s’avisa, sans doute par leur conseil, de rançonner les Italiens, les Lombards, qui exploitaient la France, et qui étaient comme une variété de l’espèce juive. Puis, pour atteindre plus sûrement encore tout ce qui achetait et vendait, le roi essaya pour la première fois de ce triste moyen si employé dans le quatorzième siècle, l’altération de la monnaie. C’était un impôt facile et tacite, une banqueroute secrète au moins dans les premiers moments. Mais bientôt tous en profitaient ; chacun payait ses dettes en monnaie faible. Le roi y gagnait moins que la foule des débiteurs sans foi. Enfin, l’on

  1. Édouard, en 1289 ; Philippe, en 1290.