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PHILIPPE-LE-BEL. — BONIFACE VIII

l’autorité royale. Ce droit laïque est surtout ennemi du droit ecclésiastique. Au besoin, les légistes appelleront à eux les bourgeois. Eux-mêmes ne sont pas autre chose, quoiqu’ils mendient l’anoblissement, tout en persécutant la noblesse.

Cette création du gouvernement coûtait certainement fort cher. Nous n’avons pas ici de détails suffisants ; mais nous savons que les sergents des prévôts, c’est-à-dire les exécuteurs, les agents de cette administration si tyrannique à sa naissance, avaient d’abord, le sergent à cheval trois sols parisis, et plus tard six sols ; le sergent à pied dix-huit deniers, etc. Voilà une armée judiciaire et administrative. Tout à l’heure vont venir des troupes mercenaires. Philippe-de-Valois aura à la fois plusieurs milliers d’arbalétriers génois. D’où tirer les sommes énormes que tout cela doit coûter ? L’industrie n’est pas née encore. Cette société nouvelle se trouve déjà atteinte du mal dont mourut la société antique. Elle consomme sans produire. L’industrie et la richesse doivent sortir à la longue de l’ordre et de la sécurité. Mais cet ordre est si coûteux à établir, qu’on peut douter pendant longtemps s’il n’augmente pas les misères qu’il devait guérir.

Une circonstance aggrave infiniment ces maux. Le seigneur du moyen âge payait ses serviteurs en terres, en produits de la terre ; grands et petits, ils avaient place à sa table. La solde, c’était le repas du jour. L’immense machine du gouvernement royal qui substitue son mouvement compliqué aux mille mouvements