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HISTOIRE DE FRANCE

avait pas de sûreté pour lui. Pendant que le notaire écrivait, le roi fit le tour de la lice, puis il piqua son cheval, et fit sans s’arrêter près de cent milles sur la route d’Aragon.

Charles d’Anjou, ainsi joué, prépara une nouvelle armée en Provence. Mais avant qu’il fût de retour à Naples, l’amiral Roger de Loria lui avait porté le coup le plus sensible. Il vint avec quarante-cinq galères parader devant le port de Naples, et braver Charles-le-Boiteux, le fils de Charles d’Anjou. Le jeune prince et ses chevaliers ne tinrent pas à un tel outrage. Ils sortirent avec trente-cinq galères qu’ils avaient dans le port. Au premier choc, ils furent défaits et pris. Charles d’Anjou arriva le lendemain. « Que n’est-il mort ! » s’écria-t-il, quand on lui apprit la captivité de son fils[1]. Il se donna la consolation de faire pendre cent cinquante Napolitains.

Le roi de Naples avait été rudement frappé de ce dernier coup. Son activité l’abandonnait. Il perdit l’été à négocier par l’entremise du pape un arrangement avec les Siciliens. L’hiver, il fit de nouveaux préparatifs ; mais ils ne devaient pas lui servir. La vie lui échappait, ainsi que l’espoir de la vengeance. Il mourut avec la piété et la sécurité d’un saint, se rendant ce témoignage qu’il n’avait fait la conquête du royaume de Sicile que pour le service de l’Église. (7 janvier 1285.)

Cependant le pape, tout Français de naissance et de cœur, avait déclaré D. Pedro déchu de son royaume

  1. « Lo re Carlo… disse con irato animo : Or fostil mort, porse qu’il a fali nostre mandement. » (Villani.)