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VÊPRES SICILIENNES

et leur conseilla de se bien défendre, comme ils pourraient[1].

Les gens de Messine se hâtèrent de profiter de l’avis. Tout fut préparé pour faire une résistance désespérée. Hommes, femmes et enfants, tous portaient des pierres. Ils élevèrent un mur en trois jours, et repoussèrent bravement les premières attaques. Il en resta une petite chanson : « Ah ! n’est-ce pas grand’pitié des femmes de Messine de les voir échevelées et portant pierre et chaux ?… Qui veut gâter Messine, Dieu lui donne trouble et travail. »

Il était temps toutefois que l’Aragonais arrivât. Le prince rusé s’était tenu d’abord en observation, laissant les risques aux Siciliens. Ceux-ci s’étaient irrévocablement compris par le massacre ; mais comment allaient-ils soutenir cet acte irréfléchi, c’est ce que D. Pedro voulut voir. Il se tenait toutefois en Afrique avec une armée, et faisait mollement la guerre aux infidèles. Cet armement avait inquiété le roi de France et le pape. Il rassura le premier en prétextant la guerre des Maures, et pour le mieux tromper, il lui emprunta de l’argent ; il en emprunta même à Charles d’Anjou[2]. Ses barons ne purent ouvrir qu’en mer les ordres cachetés qu’il leur avait donnés, et ils n’y lurent rien que la guerre d’Afrique[3]. Ce ne fut qu’au bout de plusieurs mois, et lorsqu’il eut reçu deux députations des Siciliens, qu’il se décida et passa dans l’île[4].

L’Aragonais envoya son défi devant Messine à Charles

  1. App. 6.
  2. Villani.
  3. Muntaner.
  4. App. 7.