Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 3.djvu/18

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
8
HISTOIRE DE FRANCE

Les rois d’Aragon, toujours guerroyant contre Maures ou chrétiens, avaient besoin d’être aimés de leurs hommes, et l’étaient. Lisez le portrait qu’en a tracé le brave et naïf Ramon Muntaner, l’historien soldat, comme ils rendaient bonne justice, comme ils acceptaient les invitations de leurs sujets, comme ils mangeaient en public devant tout le monde, acceptant, dit-il, ce qu’on leur offrait, fruit, vin ou autre chose, et ne faisant pas difficulté d’en goûter[1]. Muntaner oublie une chose, c’est que ces rois si populaires n’étaient pas renommés pour leur loyauté. C’étaient de rusés montagnards d’Aragon, de vrais Almogavares, demi-Maures, pillant amis et ennemis.

Ce fut près du jeune roi D. Pedro que se retira d’abord le fidèle serviteur de la maison de Souabe, près de la fille de ses maîtres, la reine Constance. L’Aragonais le reçut bien, lui donna des terres et des seigneuries. Mais il accueillit froidement ses conseils belliqueux contre la maison de France ; les forces étaient trop disproportionnées. La haine de la chrétienté contre cette maison avait besoin d’augmenter encore. Il aima mieux refuser et attendre. Il laissa l’aventurier agir, sans se compromettre. Pour éviter tout soupçon de connivence, Procida vendit ses biens d’Espagne et disparut. On ne sut ce qu’il était devenu.

Il était parti secrètement en habit de franciscain. Cet humble déguisement était aussi le plus sûr. Ces moines allaient partout : ils demandaient, mais vivaient de

  1. App. 2.