Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 3.djvu/12

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
2
HISTOIRE DE FRANCE

Par Toulouse et la Navarre, par le Comtat, cette grande puissance regardait vers le midi, vers l’Italie et l’Espagne. Mais, tout puissant qu’il était, le fils de saint Louis n’était pas le chef véritable de la maison de France. La tête de cette maison, c’était le frère de saint Louis, Charles d’Anjou. L’histoire de France, à cette époque, est celle du roi de Naples et de Sicile. Celle de son neveu, Philippe III, n’en est qu’une dépendance.

Charles avait usé, abusé d’une fortune inouïe. Cadet de France, il s’était fait comte de Provence, roi de Naples, de Sicile et de Jérusalem, plus que roi, maître et dominateur des papes. On pouvait lui adresser le mot qui fut dit au fameux Ugolin : « Que me manque-t-il ? demandait le tyran de Pise. — Rien que la colère de Dieu. »

On a vu comment il avait trompé la pieuse simplicité de son frère, pour détourner la croisade de son but, pour mettre un pied en Afrique et rendre Tunis tributaire. Il revint le premier de cette expédition faite par ses conseils et pour lui ; il se trouva à temps pour profiter de la tempête qui brisa les vaisseaux des croisés, pour saisir leurs dépouilles sur les rochers de la Calabre, les armes, les habits, les provisions. Il attesta froidement contre ses compagnons, ses frères de la croisade, le droit de bris, qui donnait au seigneur de l’écueil tout ce que la mer lui jetait.

C’est ainsi qu’il avait recueilli le grand naufrage de l’Empire et de l’Église. Pendant près de trois ans, il fut comme pape en Italie, ne souffrant pas que l’on