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TABLEAU DE LA FRANCE

la voir entre Pont-de-l’Arche et Rouen, la belle rivière, comme elle s’égare dans ses îles innombrables, encadrées au soleil couchant dans des flots d’or, tandis que, tout du long, les pommiers mirent leurs fruits jaunes et rouges sous des masses blanchâtres. Je ne puis comparer à ce spectacle que celui du lac de Genève. Le lac a de plus, il est vrai, les vignes de Vaud, Meillerie et les Alpes. Mais le lac ne marche point ; c’est l’immobilité, ou du moins l’agitation sans progrès visible. La Seine marche et porte la pensée de la France, de Paris vers la Normandie, vers l’Océan, l’Angleterre, la lointaine Amérique.

Paris a pour première ceinture Rouen, Amiens, Orléans, Châlons, Reims, qu’il emporte dans son mouvement. À quoi se rattache une ceinture extérieure, Nantes, Bordeaux, Clermont et Toulouse, Lyon, Besançon, Metz et Strasbourg. Paris se reproduit en Lyon pour atteindre par le Rhône l’excentrique Marseille. Le tourbillon de la vie nationale a toute sa densité au Nord ; au Midi, les cercles qu’il décrit se relâchent et s’élargissent.

Le vrai centre s’est marqué de bonne heure ; nous le trouvons désigné au siècle de saint Louis, dans les deux ouvrages qui ont commencé notre jurisprudence : Établissements de France et d’Orléans ; — Coutumes de France et de Vermandois[1]. C’est entre l’Orléanais et le Vermandois, entre le coude de la Loire et les

  1. À Orléans, la science et l’enseignement du droit romain ; en Picardie, l’originalité du droit féodal et coutumier ; deux Picards, Beaumanoir et Desfontaines, ouvrent notre jurisprudence.