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HISTOIRE DE FRANCE

Franche-Comté, Lorraine, Ardennes, s’en développe une autre tout autrement douce, et plus féconde des fruits de la pensée. Je parle des provinces du Lyonnais, de la Bourgogne et de la Champagne. Zone vineuse, de poésie inspirée, d’éloquence, d’élégante et ingénieuse littérature. Ceux-ci n’avaient pas, comme les autres, à recevoir et renvoyer sans cesse le choc de l’invasion étrangère. Ils ont pu, mieux abrités, cultiver à loisir la fleur délicate de la civilisation.

D’abord, tout près du Dauphiné, la grande et aimable ville de Lyon, avec son génie éminemment sociable, unissant les peuples comme les fleuves[1]. Cette pointe du Rhône et de la Saône semble avoir été toujours un lieu sacré. Les Segusii de Lyon dépendaient du peuple druidique des Édues. Là, soixante tribus de la Gaule dressèrent l’autel d’Auguste, et Caligula y établit ces combats d’éloquence où le vaincu était jeté dans le Rhône, s’il n’aimait mieux effacer son discours avec sa langue. A sa place, on jetait des victimes dans le fleuve, selon le vieil usage celtique et germanique. On montre au pont de Saint-Nizier l’arc merveilleux d’où l’on précipitait les taureaux.

La fameuse table de bronze, où on lit encore le discours de Claude pour l’admission des Gaulois dans le sénat, est la première de nos antiquités nationales, le signe de notre initiation dans le monde civilisé. Une autre initiation, bien plus sainte, a son monument

  1. La Saône jusqu’au Rhône, et le Rhône jusqu’à la mer, séparaient la France de l’Empire. Lyon, bâtie surtout sur la rive gauche de la Saône, était une cité impériale ; mais les comtes de Lyon relevaient de la France pour les faubourgs de Saint-Just et de Saint-Irénée.