Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 2.djvu/577

Cette page a été validée par deux contributeurs.
567
APPENDICE

dont le comte de Foix fut grandement joyeux et allègre, et remercia grandement le saint-père, lequel lui donna sa bénédiction et absolution de toutes choses jusqu’au jour présent. Quand l’affaire du comte de Foix fut finie, il partit de Rome, tira doit à Viterbe devers le comte Ramon, et lui conta toute son affaire, comment il avait eu son absolution, et comment aussi le saint-père lui avait rendu sa terre et seigneurie ; il lui montra ses lettres, dont le comte Ramon fut grandement joyeux et allègre ; ils partirent donc de Viterbe, et vinrent droit à Gênes, où ils attendirent le fils du comte Ramon.

« Or, l’histoire dit qu’après tout ceci, et lorsque le fils du comte Ramon eut demeuré à Rome l’espace de quarante jours, il se retira un jour devers le saint-père avec ses barons et les seigneurs qui étaient de sa compagnie. Quand il fut arrivé, après salutation faite par l’enfant au saint-père, ainsi qu’il le savait bien faire, car l’enfant était sage et bien morigéné, il demanda congé au saint-père de s’en retourner, puisqu’il ne pouvait avoir d’autre réponse ; et quand le saint-père eut entendu et écouté tout ce que l’enfant lui voulut dire et montrer, il le prit par la main, le fit asseoir à côté de lui, et se prit à lui dire : « Fils, écoute, que je te parle, et ce que je veux te dire, si tu le fais, jamais tu ne fauldras en rien.

« Premièrement, que tu aimes Dieu et le serves, et ne prennes rien du bien d’autrui : le tien, si quelqu’un veut te l’ôter, défends-le, en quoi faisant tu auras beaucoup de terres et seigneuries ; et afin que tu ne demeures pas sans terres ni seigneuries, je te donne le comté de Venaissin avec toutes ses appartenances, la Provence et Beaucaire, pour servir à ton entretien, jusqu’à ce que la sainte Église ait assemblé son concile. Alors tu pourras revenir deçà les monts pour avoir droit et raison de ce que tu demandes contre le comte de Montfort. »

« L’enfant remercia donc le saint-père de ce qu’il lui avait donné, et lui dit : « Seigneur, si je puis recouvrer ma terre sur le comte de Montfort et ceux qui la retiennent, je te prie, seigneur, que tu ne me saches pas mauvais gré, et ne sois pas courroucé contre moi. » Le saint-père lui répondit : « Quoi que tu fasses, Dieu te permet de bien commencer et mieux achever. »

Nous avons copié mot pour mot une ancienne chronique qui n’est qu’une traduction du Poème des Albigeois, sans oublier pourtant que la poésie est fiction, sans fermer les yeux sur ce que présente d’improbable la supposition du poète qui prête au pape l’intention de défaire tout ce qu’il a fait avec tant de peine et une si grande effusion de sang. Voy. la note de la page 397.