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HISTOIRE DE FRANCE

de la pétulance emportée de la Provence. Il y a pourtant entre le Languedoc et la Guyenne la même différence qu’entre les Montagnards et les Girondins, entre Fabre et Barnave, entre le vin fumeux de Lunel et le vin de Bordeaux. La conviction est forte, intolérante en Languedoc, souvent atroce, et l’incrédulité aussi. La Guyenne, au contraire, le pays de Montaigne et de Montesquieu, est celui des croyances flottantes ; Fénelon, l’homme le plus religieux qu’ils aient eu, est presque un hérétique. C’est bien pis en avançant vers la Gascogne, pays de pauvres diables, très nobles et très gueux, de drôles de corps, qui auraient tous dit, comme leur Henri IV : Paris vaut bien une messe ; ou, comme il écrivait à Gabrielle, au moment de l’abjuration : Je vais faire le saut périlleux[1] ! Ces hommes veulent à tout prix réussir, et réussissent. Les Armagnacs s’allièrent aux Valois ; les Albret, mêlés aux Bourbons, ont fini par donner des rois à la France.

Le génie provençal aurait plus d’analogie, sous quelque rapport, avec le génie gascon qu’avec le languedocien. Il arrive souvent que les peuples d’une même zone sont alternés ainsi ; par exemple, l’Autriche, plus éloignée de la Souabe que de la Bavière, en est plus rapprochée par l’esprit. Riveraines du Rhône, coupées symétriquement par des fleuves ou torrents qui se répondent (le Gard à la Durance, et le Var à l’Hérault), les provinces de Languedoc et de

  1. Un proverbe gascon dit : Tout bon Gascon peut se dédire trois fois. (Tout boun Gascoun qués pot réprenqué très coqs.)