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HISTOIRE DE FRANCE

sous ceux-ci les Romains, les Ibères. Les murs de Narbonne sont bâtis de tombeaux, de statues, d’inscriptions[1]. L’amphithéâtre de Nîmes est percé d’embrasures gothiques, couronné de créneaux sarrasins, noirci par les flammes de Charles-Martel. Mais ce sont encore les plus vieux qui ont le plus laissé ; les Romains ont enfoncé la plus profonde trace : leur Maison carrée, leur triple pont du Gard, leur énorme canal de Narbonne qui recevait les plus grands vaisseaux[2].

Le droit romain est bien une autre ruine, et tout autrement imposante. C’est à lui, aux vieilles franchises qui l’accompagnaient, que le Languedoc a dû de faire exception à la maxime féodale : Nulle terre sans seigneur. Ici la présomption était toujours pour la liberté. La féodalité ne put s’y introduire qu’à la faveur de la croisade, comme auxiliaire de l’Église, comme familière de l’Inquisition. Simon de Monfort y établit quatre cent trente-quatre fiefs. Mais cette colonie féodale, gouvernée par la coutume de Paris, n’a fait que préparer l’esprit républicain de la province à la centralisation monarchique. Pays de liberté politique

  1. Sous François Ier, les murs de Narbonne furent réparés et couverts de fragments de monuments antiques. L’ingénieur a placé les inscriptions sur les murs, et les fragments de bas-relief près des portes et sur les voûtes. C’est un musée immense, amas de jambes, de têtes, de mains, de troncs, d’armes, de mots sans aucun sens ; il y a près d’un million d’inscriptions presque entières, et qu’on ne peut lire, vu la largeur du fossé, qu’avec une lunette. — Sur les murs d’Arles, on voit encore grand nombre de pierres sculptées, provenant d’un théâtre.
  2. Le canal était large de cent pas, long de deux mille et profond de trente.